2015 cahier n°12 : La chevalerie des Dames
Ce travail, qui se propose de présenter un certain nombre d’ordres de chevalerie propres aux femmes, veut également aborder le problème de la chevalerie des dames. Par cette dernière appellation nous entendrons des ordres monastiques dévolus aux religieuses relevant des ordres chevaleresques issus des croisades (Saint-Jean de Jérusalem, Saint-Sépulcre, Teutonique…), des ordres de décoration à caractère religieux (Ordre de la Croix de l’Etoile, Milice de Jésus-Christ…) et des ordres honorifiques créés pour les “ Dames ” ; ces distinctions, nous le verrons, pourront apparaître arbitraires tellement il est difficile parfois de classer un ordre dans une catégorie ou une autre et la classification adoptée pour le corps de l’ouvrage en différera quelque peu. Il faudra que le lecteur ait à l’esprit les trois grandes distinctions que nous proposons : les ordres religieux, avec des vœux, les ordres honoraires à caractère religieux et les ordres purement honorifiques ou de distinction.Fermer la suite
Mais intituler un tel travail “ Chevalerie des Dames ” sous-entend qu’il a bel et bien existé des ordres de chevalerie pour les femmes. Le terme de “ chevalières ” peut-il leur être appliqué ? Nous essaierons de répondre à cette question en rappelant brièvement l’origine et l’essence de la chevalerie et, à partir de là, nous rechercherons si aux époques fastes de la chevalerie des femmes ont été armées ou adoubées. Et nous n’oublierons pas les ordres maçonniques spécifiques aux femmes, comme il a existé – et existe encore – des ordres maçonniques qui ont repris les titres des ordres civils en les « plagiant » en quelque sorte.
La chevalerie tire son origine de la remise de la framée ou du bouclier au jeune germain par le chef de la tribu ou le protecteur de l’adolescent, après un rude apprentissage des armes. Il n’est plus guère discuté, aujourd’hui, que la chevalerie se greffa sur ce très vieux rite germanique. Même si un tel rite de “ passage ” se retrouve chez les romains, avec l’abandon, par l’adolescent, de la robe prétexte pour la robe virile, et que l’ordre équestre des Latins peut sembler annoncer l’“ordre de chevalerie ”, la chevalerie naquit de la christianisation de cette classe de soldats sortie des anciens initiés des tribus germaniques. Elle se dégagea lentement du rite de la remise des armes vers la fin du treizième siècle, c’est-à dire au cours du règne de Charlemagne. L’adoubement se résuma longtemps à la seule remise des armes, l’imprégnation religieuse étant alors celle, tout intérieure, des futurs chevaliers avec quelques recommandations de la part de l’officiant qui pouvaient accompagner cet armement : sois loyal et sans peur, défends l’Eglise et les faibles, etc. Plus tard (IXe-Xe siècle), cette remise des armes, toute proche encore du rite germanique, s’accompagna d’un geste dont le sens profond reste toujours discuté, la colée. L’officiant appliquait, à la naissance du coup de l’écuyer agenouillé, un coup de poing ou de paume (d’où le nom de paumée donné aussi à la colée), porté à toutes forces, devenu celui du coup du plat de l’épée sur l’épaule. Deux gestes s’imposent alors simultanément : la bénédiction de l’épée et l’exposition de celle-ci sur un autel. Un peu plus tard, vers le XIe siècle, la communion du chevalier, avant la remise des armes, viendra compléter la christianisation et la sacralisation du cérémonial de l’entrée en chevalerie. Au douzième siècle, un cérémonial d’adoubement comprenait le plus souvent quatre parties :
- la confession et la veillée d’armes ;
- la communion ;
- la remise des armes et la colée ;
- la fête.
Ce ne fut que tardivement que quelques cérémoniaux renchérirent sur les rites, les compliquant à l’extrême et les surchargeant d’un symbolisme, non pas superfétatoire, mais surajouté. Retenons toutefois que la remise des armes, en l’occurrence de l’épée, restera le “ noyau ” de toute cérémonie d’entrée en chevalerie ; et l’épée, qu’elle soit remise ou serve à l’adoubement, constituera le symbole de l’état chevaleresque.
Jusqu’au onzième – douzième siècle, tout homme libre ou serf affranchi pouvait être armé chevalier après s’être vaillamment comporté sur le champ de bataille ; mais cela devint l’exception et le nouveau chevalier sortira de la classe des soldats, les meilleurs de ceux-ci appartenant souvent, sinon toujours, à de grandes familles, tout au moins à de vieilles races militaires.
Au XIe siècle vont apparaître les ordres de chevalerie, à la fois militaires et religieux, qui naquirent, du moins pour les plus anciens, en Terre sainte. Le premier fut l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem avec la fondation, sur les Lieux saints, à la fin du XIe siècle, par un Provençal (de Martigues ?), d’un ordre hospitalier que son premier grand maître, Raymond du Puy, doubla d’un ordre militaire. En 1118 (ou 1119), c’était la fondation de l’Ordre du Temple dont le caractère militaire était nettement plus marqué. Parmi les autres grands ordres internationaux dont il sera question dans cet ouvrage, notons celui du Saint-Sépulcre, fondé, selon la tradition, par Godefroy de Bouillon, et, de beaucoup moindre importance, celui de Saint-Lazare, particulièrement voué au soin des lépreux.
Mais déjà naissaient des ordres à recrutement national qui allait à l’encontre de l’universalité du christianisme (en l’occurrence le catholicisme). Le plus fameux est sans conteste l’Ordre de Sainte-Marie des Teutons de Jérusalem (ou Ordre Teutonique) qui joua un si grand rôle dans l’évangélisation des territoires baltes. Il faut citer, dans la péninsule ibérique, les ordres nés de la Reconquista qui luttèrent contre l’occupant arabe ; en Espagne, les Ordres de Calatrava (1158), de Saint-Jacques de l’Epée (1170), d’Alcantara (1177) et de Montesa (1317) ; et, au Portugal, l’Ordre Militaire de Saint-Benoît d’Avis (1187). Au sein de la plupart de ces sodalités naquirent des “ ordres de chevalerie régulière pour les dames ”, c’est-à-dire des couvents de religieuses qui portaient le nom même de l’ordre qui les abritait. C’est ce qui a pu faire naître la confusion entre une hypothétique classe de “ chevalières ” et le titre de “ chevalerie des Dames ” qui revêtait un aspect, certes, essentiel, savoir religieux, mais qui n’avait rien à voir avec un quelconque adoubement ou armement militaire : l’entrée en chevalerie consistant, pour ces “ Dames ”, en une profession monastique accompagnée des trois vœux traditionnels.
Léon Gautier, dans son ouvrage monumental sur La chevalerie aborde la question sous un angle malheureusement tout littéraire. Il écrit que “ plus d’un jeune noble, plus d’un prince, s’estimait heureux, durant toute sa vie, d’avoir été adoubé par une femme. Ce n’était pas déchoir, en vérité, et de telles femmes n’étaient pas des petites-maîtresses. L’histoire et la légende s’accordent à nous offrir le noble spectacle de ces adoubements féminins ”, preuve, estime-t-il, de cette “ élévation que le moyen âge chrétien a su communiquer au caractère et au rôle de la femme ”. Il signale, certes, “ la fille de Philippe Ier, la femme de Tancrède (1), Cécile, qui voulut adouber de ses propres mains un certain nombre d’écuyers qui allaient partir pour la guerre sainte ”. Mais, aussitôt après, il regrette que les historiens ne nous aient pas laissé le nom de ces “ modestes héroïnes ” et affirme que les romans sont plus “ prolixes et, si j’ose le dire plus « historiques » ” (2), que ce soit une tante, une fiancée qui donne la colée ou attache l’épée au flanc de l’écuyer. Et l’imagerie romantique reprendra le thème de l’adoubement par une femme qui peut, à l’évidence, faire rêver mais qui ne semble pas reposer sur beaucoup de preuves historiques et qui ne put être que l’exception ; car une double question se pose : la qualité de chevalier exigeant une transmission, voire la transmission d’une influence spirituelle, il faut nécessairement que celui qui adoube l’ait lui même été. Une telle transmission échappe à tout romantisme, à tout féminisme ou à toute sensiblerie. Les règles de la transmission de la qualité chevaleresque sont exigeantes et ne sauraient être confondues avec un quelconque moralisme. Il faudrait donc que la femme qui adoube ait elle-même été adoubée. Le Père Honoré de Sainte-Marie parle bien d’une “ autorisation ” qui peut être donnée par un prince ayant lui-même été armé chevalier, mais, en mode initiatique, une transmission impose une présence et un contact physique entre l’ordonnant et l’ordonné.
Si Dom Gérard Lafond, moine bénédictin, dans ses Principes pour une charte de la chevalerie (1968) déclare que l’esprit de la chevalerie, “ fait de rectitude morale, de magnanimité, de pur courage, de courtoisie et de service des humbles ”, toutes qualités qui peuvent s’appliquer aux personnes des deux sexes, doit “ s’incarne[r] dans des institutions, et c’est la tâche magnifique des ordres de chevalerie ”, il précise, dans l’article 13 de ladite charte, que l’adoubement conféré à une femme est “ invalide, nul de plein droit et non avenu . […] Nul laïc ne peut conférer l’adoubement, ni roi même sacré, ni prince, ni grand-maître ou membre d’un ordre de chevalerie, même s’il porte le titre de chevalier, qu’il n’ait été lui-même validement adoubé ” (c’est nous qui soulignons) ; “ La chevalerie ne peut être conférée par simple nomination, ni transmise par procuration ou délégation ” (article 11). Les principes énoncés sont très stricts et permettent ainsi de mieux cerner les conditions d’entrée en chevalerie et d’acquisition de la qualité chevaleresque. Toutefois, qu’en est-il des princes souverains ou des rois et reines qui, détenteurs du “ fons honorum ”, créent des chevaliers et adoubent ; et nous pensons à la reine d’Angleterre, chef des “ Orders of the Queen ”, qui pratique toujours l’adoubement par l’épée pour la réception des chevaliers dans l’Ordre du Bain ou celui de la Jarretière notamment ? Dom Gérard Lafond aborde indirectement la question en écrivant : “ Les Princes de Maisons Souveraines ont souvent créé par le passé des Compagnies d’Honneur dites ordres de chevalerie pour récompenser leurs sujets de services éminents rendus à leur personne, à leur dynastie ou à leur Etat, et affermir ainsi les liens de fidélité qui les unissaient à leur trône ou à leur Maison. On admet communément que ces Princes, même s’ils n’exercent plus leur souveraineté, gardent néanmoins, et eux seuls, la faculté de créer et de régir ces sortes de Compagnies dont ils sont « fons honorum ». Mais ces Compagnies d’Honneur, pour respectables qu’elles soient, ne sont pas véritablement des chevaleries et leurs membres ne sont pas « chevaliers de chevalerie ». La prétention des Princes à monopoliser la chevalerie à leur profit est dépourvue de tout fondement légitime et est, de ce fait, nulle de plein droit. Mais un Prince chrétien peut, comme toute autre personne, fonder un ordre de chevalerie authentique, s’il se conforme aux règles traditionnelles, notamment en ce qui concerne les fins générales de la chevalerie et sa transmission valide par l’adoubement. ”
Sir Ivan de La Bere souligne que “ pour les femmes qui sont nommées Dames [dans les ordres royaux], la situation est quelque peu différente [de celle des hommes], puisqu’elles ne sont pas adoubées par l’épée ”. Le Souverain est la “ Fontaine de tous les Honneurs officiels […] La seule personne actuellement habilitée à conférer la chevalerie dans ce pays [la Grande-Bretagne] est la Reine, et personne d’autre n’est autorisée à adouber un chevalier, à moins de lettres patentes, et toute charte d’autorisation doit nécessairement avoir été signée par la Reine, déléguant à cette personne le pouvoir de conférer l’accolade et de lui remettre les insignes appropriés au nom de la Reine. Des exemples de telles délégations, dans les années récentes, ont été accordées à la Reine Mère Elisabeth, au Prince Philippe, duc d’Edimbourg, et au duc de Gloucester ”(3)
Nous ne voudrions terminer cette présentation sans évoquer le cas de la Pucelle d’Orléans. Jeanne d’Arc, dont l’héroïque et sainte chevauchée permit non seulement de rendre le royaume de France au roi légitime, de libérer le territoire et de rétablir sur le trône le roi légitime, Charles VII, mais, surtout, de réaffirmer le mandat du ciel de la couronne de France, est qualifiée par Léon Gautier “ du plus chevalier des chevaliers ” pour son fameux mot : “ Les hommes d’armes batailleront, et Dieu donnera la victoire. ” Il ajoute : “ Elle était de taille à relever la Chevalerie [de son temps], qui retrouvait en elle la netteté de son type effacé ; mais elle mourut trop tôt, et ne fut pas assez imitée. ” Fut-elle armée “ chevalier ” par le roi Charles VII en 1429, comme semble le laisser croire une gravure du début du XXe siècle ? Ou celui qui n’était encore que le “ gentil dauphin ” lui remit-il, à Chinon, d’après le Mystère du siège d’Orléans, datant du commencement du XVIe siècle, le harnois de tout chevalier, savoir : l’armure, l’épée, les éperons dorés et l’étendard ? De toute façon, Charles VII ne pouvait lui transmettre la chevalerie qu’après avoir lui-même été armé chevalier, ce qu’il fut par le duc d’Alençon avant son sacre à Reims, le 17 juillet 1429. Appartint-elle à un ordre de chevalerie ou une société secrète dont elle aurait été “ chevalière ” ? Par son attitude, la Pucelle n’avait absolument rien d’une fille des champs, mais tout d’un guerrier, d’un chevalier. Et celle qui se désignait comme envoyée du “ Roy du Ciel ” et affirmait détenir son mandat de celui qui désigne habituellement Dieu ou le Christ mais qui a pu être appliqué à l’un de ses plus hauts représentants réunissant en ses mains le double pouvoir spirituel et temporel ne pouvait, seule et sans avoir la qualité de “ chevalière ”, mener sa mission à bonne fin, savoir le sacre de Charles VII à Reims. Mais aucun texte, aucune source ne permettent d’affirmer que Jeanne fut bien le “ glaive à deux tranchants ” d’un ordre de chevalerie au sein duquel elle aurait acquis ses qualités de chef de guerre. Certains ont pensé qu’elle devait être une tertiaire de saint François en raison du rôle prépondérant des Franciscains dans les affaires la concernant. Bossuet a dit : « Dans l’affaire de la Pucelle, il y a la fraternité franciscaine, qui la prépara, la solidarité de la cause catholique et de la cause française, qui détermina l’entreprise, et la puissance internationale des fils de saint François, nombreux dans l’armée des Lancastre [maison rivale de celle d’York dans la guerre des Deux-Roses], qui la fit réussir. ». Elle aurait été reçue dans le tiers-ordre franciscain à treize ans et son costume est celui des tertiaires : pourpoint noir, chausses attachées, robe courte de gros gris noir et un chaperon noirs sur les cheveux coupés courts et ronds. La « Fée Nostre Seigneur » qui domine l’histoire de Jeanne ne serait autre que sainte Colette de Corbie, mère abbesse des Clarisses, amie intime d’Isabelle Romée, sa mère. Hanotaux, dans Les quatre mystères de la vie de Jeanne d’Arc, prétend que le plus haut degré de l’ésotérisme féminin franciscain s’appelait « les Fées Nostre Seigneur », nommées aussi « Les Discrètes ». Il s’agissait d’une véritable chevalerie féminine et la complicité franciscaine dans les rangs de l’armée anglaise aurait singulièrement favorisé certaines victoires de Jeanne, notamment devant Orléans, à Beaugency, à Patay. Victoires miraculeuses et militairement incompréhensibles.
D’autres, en se basant sur la voix qui lui disait : “ Fille-Dé, va, va, va, je serai ton aide, va ! ”, en ont déduit que l’épithète Fille-Dé (que l’on peut traduire par “ Fille de Dieu ” ou “ Fille-Dieu ”) serait un titre initiatique d’origine celtique, intégré ésotériquement au christianisme. Le terme Dé peut être pris comme le génitif du celtique dia qui signifie “ dieu ” (mais aussi “ déesse ”). Le cas de Jeanne d’Arc, comme celui de sa race et de son pays natal, présentait des attaches ancestrales, encore visibles à l’époque, avec la tradition celtique. N’y aurait-il pas une indication en ce sens à propos de l’arbre des Dames et de la jeunesse de Jeanne à Domrémy dont il est fait mention dans l’Histoire populaire de la France.
« Elle ne cherchait point d’ailleurs à se distinguer des autres, et se mêlait à ses compagnes dans les fêtes du village. Sur cette même pente où s’élevait la chapelle de la Vierge, entre les bords fleuris de la Meuse et la sombre forêt de chênes, le bois Chesnus, qui en couronnait les hauteurs, il y avait un hêtre d’une remarquable beauté, « beau comme un lis », dit l’un des habitants, large, touffu, dont les branches retombaient jusqu’à terre. On l’appelait « l’arbre des dames « . Autrefois, les seigneurs et les dames du lieu, avec leurs demoiselles et leurs suivantes, venaient, au retour du printemps, faire un repas champêtre sous son ombre. Peut-être un jour ces joyeuses réunions avaient-elles amené quelque mystérieuse aventure qui changea de nature et de forme en passant par la tradition. Le nom de dames donné aux femmes de haut parage était aussi le nom donné aux fées dans le langage populaire. On racontait qu’un seigneur de Bourlemont venait y voir une fée, conversait avec elle. L’arbre des dames était aussi l’arbre des fées. C’étaient les fées qui, dans les anciens temps, venaient danser sous le beau hêtre ; on disait même qu’elles y venaient encore. Cela n’empêchait pas les habitants de Domrémy de faire ce que faisaient leurs pères. L’arbre était toujours aussi beau. Au printemps on se rassemblait sous sa voûte de verdure. On l’inaugurait en quelque sorte le dimanche de la mi-carême, Lætere.
« En ce jour, qu’on nommait aussi le dimanche des Fontaines, les jeunes garçons et les jeunes filles venaient sous l’arbre fameux faire ce qu’on appelait leurs fontaines. Ils emportaient, comme provisions de la journée, des petits pains faits exprès par leurs mères, et s’y livraient aux ébattements de leur âge, chantant, dansant, cueillant des fleurs dans les prairies d’alentour, pour en faire des guirlandes dont ils ornaient les rameaux du bel arbre ; puis, quand ils avaient mangé, ils allaient se désaltérer aux eaux limpides d’une source voisine, tout ombragées de groseilliers.
« Jeanne y venait comme les autres ; Mengette, son amie, dit qu’elle y fut et y dansa plus d’une fois avec elle. Pourtant, elle n’était point danseuse ; et souvent au retour de la fête elle prenait le chemin de sa chapelle chérie, et suspendait à l’image de la Vierge les guirlandes qu’elle avait tressées des premières fleurs des champs. (4) »
Quoiqu’il en fût, la question méritait d’être posée, même si aucune certitude ne peut être avancée, sinon la mission « divine » de la Pucelle.
En conclusion, il ressort de tout ce qui précède que la notion de “ chevalerie des dames ” recouvre deux aspects distincts :
– la qualité de “ chevalières ” appliqué aux religieuses des ordres de chevalerie issus des croisades ;
– les ordres de décoration ou honorifiques, avec ou sans règles religieuses, qui ne peuvent créer des « chevalières » au sens propre du terme, mais qui ont pu être fondés pour récompenser des exploits d’armes de femmes ou par des princesses pour honorer les personnes de leur sexe. C’est en regroupant ces deux catégories que nous pouvons intituler notre ouvrage “ La chevalerie des dames ” en espérant que le lecteur y apportera toutes les restrictions que nous avons nous-même soulevées.
Pour illustrer notre propos, nous avons voulu ne retenir que des textes anciens qui nous semblent donner une bonne approche de cette chevalerie « féminine » qui n’a existé, en tant que telle, que sous l’Ancien Régime : c’est ce que nous appelons la période « faste » de cette chevalerie qui, bien que particulière, a connu un développement en rapport avec celui des grands ordres de chevalerie masculins. Quelques considérations pourront paraître dépassées à l’époque de la « parité » entre les hommes et les femmes, mais elles démontrent que dans le domaine chevaleresque les femmes ne furent pas oubliées et qu’elles purent s’illustrer soit par de hauts faits d’armes soit par des engagements propres à leur sexe mais néanmoins contraignants.
Dans les ouvrages recensés, principalement ceux du Père Honoré de Sainte-Marie (1718), d’Hermant (1725) et de Giustiniani (1721), nous avons relevé pas moins de vingt-cinq ordres, certes de valeur inégale, mais dévolus aux femmes ou aux personnes des deux sexes. Même si la liste ne se prétend pas exhaustive, elle a le mérite, pensons-nous, de montrer la diversité et la richesse de cette « chevalerie des dames » que nous avons voulu tirer de l’oubli et mettre en exergue.
Saint-Hérie, en la fête de sainte Jeanne d’Arc,
qui mourut à dix-neuf ans du plus terrible des supplices,
abandonnée de ses amis et priant pour ses ennemis.
1 Prince sicilien de la maison normande de Hauteville, un des héros de la première croisade et de la prise de Jérusalem. Il devint prince de Galilée et régent de la principauté d’Antioche ; il mourut en 1122.
2 Léon Gautier, op. cit., p. 266-267.
3 The Queen’s Orders of Chivalry, p. 29, 25, 43.
4 in Histoire populaire de la France, Librairie classique et d’éducation ? Vve Marie-Nyon, A. Pigoreau, successuer, Paris, s,d. (fin du dix-neuvième siècle, p7-8, d’après Wallon, Jeanne d’Arc, chap.I, p. 3, 45 et 5.)